14 juillet 2016

Un compte rendu de partie "Frostgrave" : la "Tour du silence"

Notre petit groupe de joueurs compte une joueuse. Si elle est tout aussi belliqueuse que nous, elle est sans doute bien plus littéraire. Je ne peux m'empêcher de partager avec vous son dernier "rapport de bataille" pour Frostgrave :




A la recherche des reliques de Santa Laurencia ou les aventures extraordinaires d'un lansquenet dans Summergrave
 
par Georg von Frundsberg
 
 
Le jour se levait sur Summergrave. Il faisait froid mais beau. Cela nous changeait de ces dernières semaines où il n'avait pas cessé de pleuvoir. Nos os en étaient encore trempés, nos pieds se décomposaient. Il était grand temps qu'une bonne nouvelle vienne bousculer notre quotidien morose de ces derniers temps. Reltau Raitheu, notre mage, était plongé dans ses livres depuis des jours, espérant trouver une brèche dans l'espace temps qui nous permettrait de retourner à l'aventure. Mais il fallut attendre le retour du poulet (c'est comme ça que j'appelle l'épervier d’Herbert mais il n'aime pas ça) pour briser notre lassitude.
 
La volaille était tout agitée... C'était du meilleur présage... Chaque fois que c'était arrivé, nous avions amassé bijoux, argent et armements. Herbert courut chez le mage car seul Reltau était capable de se plonger dans le regard du poulet pour percer ses visions. Nous étions impatients... écoutions à la porte de la bibliothèque, ce qui ne servait strictement à rien car aucun son ne filtrait. Ce n'est qu'au bout de sept longues heures que la nouvelle tombait: c'était reparti ! Le clocher de la Cathédrale Santa Laurencia semblait renfermer un trésor inestimable (au moins de l'avis de Reltau mais il n'y a que la paperasse qui l'intéresse... D'un autre côté il est tellement généreux que je ne pourrais me passer de lui). Encore emprunte de l'esprit Saint, la magie y était inopérante... Il fallait donc compter sans l'aide de Reltau et de son apôtre une fois que les lieux seraient pénétrés. Par ailleurs, il paraissait y avoir très peu d'agitation dans le quartier de Santa Laurencia... c'était le moment opportun pour se mettre en route. Ni une ni deux, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, nous rassemblions nos affaires et quittions la bibliothèque...
 
Les rires et les chants rythmaient notre marche. L'aventure ressemblait étrangement à une promenade dominicale. Nous avions tout au plus croisé le chemin d'une ou deux créatures isolées, juste assez pour vérifier que nos lames étaient bien acérées. L'après-midi touchait à sa fin quand nous sommes arrivés à proximité des ruines de Santa Laurencia.
 
 
Avions ­nous mis trop de temps, avions­nous fait trop de bruit ? Nous n'étions plus seuls... Là ­bas de l'autre côté, s'élevaient dans le silence de Summergrave une multitude de sons étranges et glaçants. Il fallait se dépêcher... Les événements risquaient de se précipiter et de se corser... Perdu dans mes pensées, c'est exactement à ce moment que j’aperçus au loin ce que je ne pourrai dans aucune situation considérer comme un ami, ni même un allié... Créatures à la peau diaphane, elles étaient à la fois sensuelles et terrifiantes. Jamais avant la découverte des rues de Summergrave je n'aurais pu imaginer l'existence de tels êtres.
 
Avant même que nous comprenions que nous étions arrivés par le mauvais chemin et que nous faisions face à l'abside de l'église, les unes s'emparaient d'un butin tandis que les autres couraient déjà vers deux autres coffres et le porche de Santa Laurencia. Il fallait rapidement s'organiser pour ne pas les laisser nous dérober nos trésors.
 
 
Ainsi, les plus rapides et agiles d'entre nous, Stefan (appelé aussi Tambour) et Rolf (dit le boucher car il est constamment en train d'aiguiser sa hache) se faufilaient dans la cathédrale tandis que Raumzeit, l'apprenti restait à l'extérieur pour pouvoir les couvrir grâce à sa magie. Comme je n'avais pas tout à fait confiance dans sa capacité à maîtriser pleinement les sorts qui lui avaient été enseignés, j'ai demandé à Jürgen (le meilleur tireur que j'ai pu rencontrer au cours de tous mes périples, même ivre mort il est encore capable de décocher à 100 mètres un carreau entre les yeux de son ennemi) de se planquer dans l'auberge située derrière l'église et qui faisait saillie sur le flanc droit de l'édifice. Son rôle était double mais le plus important était de couvrir nos deux comparses qui se retrouvaient maintenant isolés dans le lieu saint. Je l'avais aussi chargé d'empêcher les créatures de s'emparer ou de ramasser quoi que ce soit se trouvant dans sa ligne de vue. Pour protéger nos mouvements sur le flanc gauche, notre deuxième tireur Meinhard (Je ne l'aime pas lui, je ne sais pas pourquoi mais lui et moi ça ne pourra jamais marcher... Je le trouve faible. Les autres l'appelle flèche mais je trouve que ça ne lui va pas. Il est plutôt lourdaud... donc je ne l'appelle pas) se plaçait judicieusement, je dois bien l'avouer, derrière un puits abandonné avec une vue idéale. Reltau s'empressa d'ailleurs d'enchanter sa première flèche.
 
 
Pour ma part, je partais au pas de course avec Eva (Elle me plaît bien, elle à un tempérament de chienne... J'aimerais bien me la faire... mais visiblement elle tient assez fort à sa virginité) et Braun (dit chef, c'est lui qui prépare la tambouille quand nous ne sommes pas occupés à batailler) pour couper la route à l'une de ces créatures mi-homme, mi­serpent qui s'apprêtait à s'emparer d'un étui paraissant renfermer quelque chose de précieux. Reltau nous suivait de loin pour venir en renfort s'il devait nous arriver malheur tandis qu'Herbert nous envoyait son poulet qui maintenant nous survolait. Il nous annonça ensuite fièrement qu'il venait de trouver un coffret assez lourd en fouillant le bâtiment par lequel nous étions arrivés. A cet instant, nous étions si bien organisés que malgré la terreur qui nous faisait face nous étions confiants dans notre victoire et le présage de revenir chargé d'or et d'argent nous rendait tous euphoriques.
 
Stefan et Rolf grimpaient quatre à quatre au sommet du clocher. Lorsqu'ils s'emparèrent de la relique maudite pour laquelle nous étions venus et qui précipita notre malheur, ils devançaient largement deux innommables créatures qui s'engageaient à leur poursuite. La première avait un corps à se damné auquel avait été greffé, comme pour la punir, des pinces immondes et redoutables. Derrière elle, se hissait au premier étage par ce qui restait d'une fenêtre, une beauté si abjecte qu'avant d'apercevoir son corps d'arachnide, il était impossible de comprendre comment elle était arrivée à se faufiler par cette ouverture. 

Tandis que les deux êtres venus tout droit de l'enfer s'avançaient indubitablement vers eux, Stefan et Rolf priaient tout en descendant les escaliers délabrés pour qu'on ne les ait pas oubliés et que les tireurs étaient bien embusqués pour les couvrir. Ce n'était malheureusement pas le cas. Meinhard (comme je m'y attendais) semblait envoûté derrière son puits. Il resta figé en arrière, les yeux écarquillés. Ses flèches ne quittèrent pas son carquois. Jürgen avait rapidement eu ses lignes de vue coupées par un épais brouillard dans lequel paraissait danser de douleur des silhouettes éthérées, entravées par de lourdes chaînes. Il était certain que ce phénomène était le fruit d'une sorcellerie démoniaque qui nous était encore étrangère. Il prit alors de très bonnes initiatives mais ne réussit que bien tard à se défaire de cette brume épaisse qui semblait le poursuivre. Quand enfin il trouva une position qui donnait sur l'énorme brèche découvrant l'intérieur du clocher, nos deux héros étaient déjà engagés dans un combat à mort. Tirer dans le corps à corps était, même pour Jürgen, une folie qui aurait mis la vie de nos amis en trop grand danger. Il ne pu qu'assister impuissant au spectacle déchirant qui s'offrait à lui. Il restait cependant alerte pour pouvoir intervenir dès qu'il serait en mesure de le faire. 
 
Lorsque la première créature épuisée par le combat s'écroula aux pieds de Rolf, l'arachnide lui décocha un coup fatal qu'il ne pu esquiver et qui le précipita dans le vide... Son corps abîmé gisait sur le palier de l'étage inférieur. Stefan alourdi par son fardeau mais ivre de colère se précipita sur la bête dans un combat (il nous révéla plus tard que c'est l'affrontement le plus terrible auquel il participa) sans merci dicté par la haine, la fureur et le dégoût. Sa rage eu raison de l'animal. A cet instant, s'extirpant des brouillards, apparaissait lentement, par la même ouverture qui avait déjà donné accès aux deux autres créatures, un démon (la description que m'en firent Rolf, Jürgen et Stefan était si horriblement fantasmagorique que seul ce terme permettait de le qualifier). Entrer dans un lieu saint lui était si pénible, qu'il en était considérablement amoindrit. Jürgen en profitât. Sans aucune hésitation lui décocha un carreau dans l'aile gauche, exactement là où chez un mortel était placé le cœur. Il mit le genou à terre et, dans un hurlement si strident qu'il nous glaça le sang, arracha le projectile et disparut dans la pénombre du clocher.
 
Lorsqu'Eva, Braun et moi­même sommes arrivés à hauteur de l'étui, l'homme­serpent se repliait déjà pour mettre sa trouvaille à l'abri et trois ignobles créatures – dont la seule évocation me tourmente encore aujourd'hui – nous barraient la route. Derrière nous, Reltau essayait en vain de ralentir le crotale mais la magie semblait ne pas l'affecter. 
 
 
Il s'éloignait de plus en plus alors que nous nous enlisions dans un combat sans fin. Le poulet s'acharnait dans la chevelure épaisse d'une de ces in­évocables abominations capables à tout instant de vous étouffer dans sa toile. Braun en profitait pour lui asséner coups sur coups mais elle parvenait encore à répliquer. Quant à Eva, elle était en prise avec une de ces terrifiantes tentatrices mais insensibles à l'aura de la créature elle parvint non sans dommage à prendre rapidement le dessus et à venir en aide à Braun. Je m'occupais de la dernière et je dois bien déclarer que je contrôlais d'une main de maître la situation jusqu'à ce qu'une lumière éblouissante m'aveugla si intensément que j'en étais tout étourdi. Cela dura un temps que je n'arrivais pas à évaluer. J'étais impuissant face aux coups qui m'étaient infligés mais par miracle, ils ne parvenaient pas à véritablement m'atteindre. Lorsque je repris enfin tous mes esprits, Eva gisait dans une marre de sang et Braun s'était évanoui sur le corps inanimé de ce qu'il restait d'une arachnide. Le volatile avait disparu. L'homme serpent était parvenu à quitter la zone de combat emportant avec lui le paquet que je convoitais. Restait seule à mon contact une ombre titubante que j'achevai d'un coup d'épée bien placé.
 
 
En montant dans la tête, le sang me déchirais les tempes. Je souffrais. J'avais perdu mes chers amis et mon magot, ma haine était si intense que je me ruai au mépris de tous les dangers sur une de ces monstruosités. Elle était agenouillée, ses yeux étaient révulsés et son corps était animé de convulsions qui contrastaient avec le calme de ses mains crochues ouvertes de part et d'autre de ses genoux. Elle était en transe. A une cinquantaine de mètres plus loin, un coffre se souleva et flotta sur une quinzaine de mètres. Il arriva dans les bras d'une de ces immondes femmes­araignées (j'entends encore aujourd'hui le bruit unique et inoubliable du cliquetis que produisaient ses pattes contre le sol lorsqu'elle s'empressa de l’attraper au vol et de le mettre en sûreté). En arrivant au contact de la sorcière, je me surpris avec dégoût d'en admirer la beauté et fût incapable d'entreprendre quoique ce soit contre elle.
 
Dans la nuit tombante de Summergrave, un second cri provenant de la tour de Santa Laurencia me pétrifia de terreur. Il traversa tout mon corps en me laissant une désagréable sensation de froideur. J'avais l'impression que mon âme avait été violée. Cet hurlement, qui me lacérait le cœur, m'évoquait la victoire de la tyrannie démoniaque contre notre Dieu omnipotent. Il avait dû se passer dans le clocher une lutte immatérielle sans pitié dont le démon sortait renforcé. On vit alors une ombre maléfique triomphante se détacher au­dessus de la Cathédrale avant de s'envoler dans les profondeurs de la cité accompagnée de sa horde sanguinaire et blasphématoire.
 
Nous étions fourbus. La nuit allait tomber. Il fallait s'empresser de quitter les lieux pour rejoindre la bibliothèque avant que l'obscurité ne nous contraigne à dresser le camp sur place. Il n'est jamais bon de rester sans protection dans les ruines de Summergrave la veille d'une éclipse totale. Je me dirigeais vers le lieu où j'avais abandonné Eva et Braun. Eva était décédée (Je pleure de rage encore aujourd'hui de ne jamais avoir réussi à retrouver sa tête et à honorer sa disparition par un enterrement). Braun revenait lentement à lui grâce aux sels que Reltau lui faisait respirer. Il se releva et je lui prêtai mon bras pour l'accompagner dans sa marche. Trois silhouettes titubantes et
désorientées sortirent de l'ombre. Tambour, le boucher et Jürgen avaient survécu mais revenaient sans la relique qu'ils avaient du laisser sur place pour parvenir à s'échapper de la Cathédrale. Ils étaient vivants, c'était le plus important. Durant tout le trajet du retour, Raumzeit et Meinhard se confondaient dans de lamentables excuses. Le premier pour n'avoir pas su se souvenir des sorts qui lui avaient été enseignés (nous revenions quand même avec un lapin et trois jeux de cartes) et le second pour s'être amouraché de l'ennemi. Nous atteignirent la bibliothèque en début de nuit, Herbert était déjà là impatient de nous montrer ses trouvailles : une soixantaine de pièce d'or et deux parchemins.

5 commentaires:

  1. Si avec un tel texte , ça ne donne pas envie de se lancer dans une campagne Frostgrave .....

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  2. Bonjour à tous,
    Je suis bien d'accord avec vous et ne manquerai pas de partager les éventuels futurs CR... :-)
    A bientôt,
    Benoit

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  3. Bravo, superbe texte, ça donne vraiment envie...

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